Dans son arrêt rendu le 20 décembre 2023, la Cour de cassation innove en indiquant qu’un manquement du professionnel à l’égard du consommateur aux obligations d’informations précontractuelles visées par l’article L111-1 du Code de la consommation entraine l’annulation du contrat de vente lorsque le défaut d’information porte sur des éléments essentiels du contrat.
Par cet arrêt, la Cour de Cassation traduit expressément sa volonté de protection du consommateur.
I/ LE LITIGE :
A l’occasion d’une foire, Monsieur et Madame X (les acquéreurs) ont conclu avec la société FUTUR ECO HABITAT (la société venderesse) un contrat portant sur l’acquisition, l’installation et la mise en œuvre de panneaux photovoltaïques.
A la suite de la constatation de carences dans les mentions devant figurer sur le bon de commande, les acquéreurs ont assigné le vendeur en annulation du contrat.
Selon arrêt rendu le 3 mai 2022 par la Cour d'Appel d’Amiens, la Cour a annulé le contrat et ordonné la restitution de la somme déjà versée, assortie des intérêts au taux légal au bénéfice des consommateurs, demandeurs à l’action.
La nullité est également ordonnée sur le fondement de l’article L. 111-1 du Code de la consommation mais également sur celui de l’article 1112-1 du Code civil.
C’est à cette occasion que le vendeur s’est pourvu en cassation.
II/ LA REPONSE DE LA COUR DE CASSATION :
Pour la Cour d'Appel d’Amiens, l’insuffisance des termes du bon de commande qui ne précisait ni les caractéristiques essentielles des produits achetés, ni les délais de livraison et d’installation desdits produits, constituait un manquement du vendeur à son obligation d’informer l’acquéreur préalablement à la conclusion du contrat, et ce manquement avait induit les acquéreurs en erreur.
A l’initiative du pourvoi, le vendeur soutenait qu’aucun des textes invoqués ne prévoyait expressément la sanction de la nullité, argumentation non dénuée d’intérêt par ailleurs puisque la nullité ne peut être prononcée que si elle expressément prévue.
La Cour approuve néanmoins les magistrats de la Cour d'Appel d’Amiens en leur décision et répond au vendeur de la manière suivante :
« 5. Il résulte de la combinaison de l'article L. 111-1 du code de la consommation, qui n'assortit pas expressément de la nullité du contrat le manquement aux obligations d'information précontractuelles qu'il énonce, et de l'article 1112-1 du code civil, qu'un tel manquement du professionnel à l'égard du consommateur entraîne néanmoins l'annulation du contrat, dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du code civil, si le défaut d'information porte sur des éléments essentiels du contrat.
6. Ayant retenu que le vendeur n'avait pas satisfait aux obligations d'information précontractuelles prévues à l'article L. 111-1 du code de la consommation dès lors que ni les caractéristiques essentielles des produits achetés, ni le délai de livraison et d'installation de ces produits n'étaient précisément mentionnés sur le bon de commande, ce dont il résultait que le consentement des acquéreurs sur des éléments essentiels du contrat avait nécessairement été vicié pour procéder d'une erreur, la Cour d'Appel, qui n'était pas tenue d'effectuer des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, en a déduit à bon droit que le contrat de vente devait être annulé. »
III/ L’INTERET DE L’ARRET RENDU LE 20 DECEMBRE 20223 PAR LA COUR DE CASSATION :
La Cour de cassation énonce ici une solution qui, tout en étant conforme aux textes, n’allait pas nécessairement de soi, et se révèle ainsi particulièrement favorable aux consommateurs, s’estimant victimes d’un défaut d’information précontractuel.
Il est important de rappeler que l’obligation générale d’information précontractuelle du consommateur constitue en droit européen l’un des droits fondamentaux du consommateur.
L’article L. 111-1 du Code de la consommation rappelle cette obligation fondamentale pesant sur le vendeur et la décline en des termes concrets :
- « Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à titre onéreux, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
- 1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, ainsi que celles du service numérique ou du contenu numérique, compte tenu de leur nature et du support de communication utilisé, et notamment les fonctionnalités, la compatibilité et l'interopérabilité du bien comportant des éléments numériques, du contenu numérique ou du service numérique, ainsi que l'existence de toute restriction d'installation de logiciel ;
- 2° Le prix ou tout autre avantage procuré au lieu ou en complément du paiement d'un prix en application des articles L. 112-1 à L. 112-4-1 ;
- 3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à délivrer le bien ou à exécuter le service ;
- 4° Les informations relatives à l'identité du professionnel, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;
- 5° L'existence et les modalités de mise en œuvre des garanties légales, notamment la garantie légale de conformité et la garantie légale des vices cachés, et des éventuelles garanties commerciales, ainsi que, le cas échéant, du service après-vente et les informations afférentes aux autres conditions contractuelles ;
- 6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
- La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Les dispositions du présent article s'appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, y compris lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement. »
Il est surprenant de noter que le Code de la consommation n’assortit cette obligation d’aucune sanction civile en cas d’inobservation par le professionnel.
Seules des sanctions administratives et pénales (à travers la notion de pratique commerciale trompeuse) sont prévues.
De ce fait l’argumentaire du vendeur, demandeur au pourvoi, n’était donc pas dépourvu de pertinence, et à priori, rien ne permettait à la Cour de valider le raisonnement des juges du fond.
A cet égard, si la Cour reconnaît que la nullité ne peut pas être prononcée sur le fondement de l’article L. 111-1 du Code de la consommation - puisque ce texte ne la prévoit pas expressément la nullité -, en revanche, celle-ci va néanmoins prononcer la nullité en se fondant sur le droit commun des vices du consentement dont le régime est défini par le Code civil.
En effet, il est notable de constater que l’arrêt de la Cour de Cassation vise l’arrêt 1112 du Code civil relatif au devoir d’information, lequel dispose :
« Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »
Par voie de conséquence, la Cour de Cassation constatant que l’article L. 111-1 du Code de la consommation ne prévoyait pas de sanction en cas de violation de ces dispositions a néanmoins recouru à la sanction de la nullité puisque se référant aux dispositions de l’article 1112-1 du Code civil, lequel renvoie expressément à la sanction de l’annulation prévue à l’article 1130 du même code.
Il est important que l’article 1130 du Code civil dispose :
« L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. »
La Cour précise néanmoins que l’annulation n’est de droit que si le défaut d’information porte sur les éléments essentiels du contrat ; ils en déduisent que dans ce cas, le consentement du consommateur est nécessairement vicié.
Posé autrement, cela revient à reconnaître une présomption du vice du consentement dès lors que le défaut d’information précontractuel porte sur les éléments essentiels du contrat, autrement-dit les caractéristiques essentielles des produits et le délai d’exécution du contrat, de sorte que le consommateur n’a pas à rapporter la preuve que le défaut d’information portait sur un élément déterminant de son consentement.
Ainsi, si l’adage « specialia generalibus derogant » les lois spéciales prévalant sur les lois ordinaires, force est de constater que cet arrêt en prend le contrepied.
Ainsi, et au cas d’espèce, il apparaît que le renvoi aux dispositions du Code civil a permis à la Cour de pallier les lacunes du Code de la consommation, et ce afin d’affirmer la volonté de protection du consommateur acquéreur en lui faisant bénéficier d’une présomption le dispensant de démontrer que le défaut d’information portait sur un élément déterminant de son consentement.
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