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Le forfait jours, encore et encore...

Nathalie Koulmann

14 juin 2024

La gestion du temps de travail des cadres autonomes est un casse-tête aux conséquences financières explosives.

Si le recours au forfait jours est en théorie la solution pour les cadres autonomes travaillant beaucoup, son utilisation nécessite le respect précis de règles légales et jurisprudentielles tant en ce qui concerne les écrits le mettant en place qu'en ce qui concerne le suivi opérationnel du forfait.

L’accord collectif qui fonde le forfait jours est ainsi obligatoire et doit prévoir comment (C. trav. art. L 3121-63 et L 3121-64) :

  • l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
  • l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, l’articulation activité professionnelle/vie personnelle, sa rémunération, et l’organisation du travail dans l’entreprise ;
  • le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.

Si l’accord collectif n’est pas conforme, l’employeur peut quand même conclure un forfait jours à condition d’appliquer les dispositions légales supplétives (C. trav. art. L 3121-65, I) :

  • établir un document de contrôle mentionnant la date et le nombre de journées ou 1/2 journées travaillées (il peut être établi par le salarié sous la responsabilité de l’employeur) ;
  • s’assurer de la compatibilité de la charge de travail du salarié avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire ;
  • organiser un entretien annuel avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, l’organisation de son travail, l’articulation activité professionnelle/vie personnelle, et sa rémunération.

Si ces dispositions supplétives ne sont pas mises en place, le forfait est alors nul…

De plus, si l’accord collectif comprend bien l’ensemble des éléments prescrits par les textes mais qu’en revanche l’employeur ne suit pas lesdites prescriptions alors le forfait sera inopposable au salarié pour la période pendant laquelle les règles n’auront pas été suivies.

Or, que la convention individuelle de forfait soit nulle ou privée d’effet, le temps de travail du salarié doit être décompté selon le droit commun, soit 35 heures par semaine. Le salarié peut alors prétendre au paiement dheures supplémentaires dans la limite du délai de prescription triennale, soit depuis la signature de la convention en cas de nullité, soit à compter du manquement de l’employeur à ses obligations si la convention est privée d’effet.

Ainsi, nombre de forfaits jours sont déclarés nuls ou inopposables au salarié parce que l’employeur ne tient pas l’entretien ou les entretiens annuels prévus par l’accord collectif fondant le forfait….

Il faut donc absolument assurer ces entretiens chaque année et vous en assurer la preuve par la signature d’un document matérialisant la teneur de l’entretien sur la charge de travail et l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle.

Mais la mise en place de règles supplétives pêche aussi souvent par un contrôle insuffisant des jours travaillés et du respect du repos journalier et hebdomadaires.

L’article L3121-65 du Code du travail prévoit ainsi que même en l’absence des clauses conventionnelles requises, un forfait-jours peut être valablement conclu à condition que l’employeur établisse un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l’employeur, ce document peut être renseigné par le salarié.

  • Dans un arrêt du 10 janvier 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation, a jugé que si ce document ne reflétait pas la réalité des jours travaillés par le salarié, alors la convention de forfait-jours était nulle. Et cela, alors malgré le fait que le document soit renseigné par le salarié, comme le permet la loi, et que les erreurs contenues dans ledit document soient donc dues au salarié…. Cass. Soc. 10 janvier 2024, 22-15.782.

En effet, le Code du travail n’autorise le salarié à renseigner lui-même ce document que sous la responsabilité de l’employeur.

Il appartient donc à l’employeur de vérifier que le document de contrôle reflète bien la réalité des jours travaillés.

  • Dans un arrêt encore plus récent du 24 avril 2024, la Cour de Cassation a cette fois-ci condamné un cabinet d’avocats recourant au forfait jours….

Elle a ainsi d’une part jugé que la convention collective des avocats ne satisfaisait pas aux règles minimales permettant la mise en place du forfait jours et d’autre part qu’en pratique l’employeur ne s’assurait pas régulièrement que la charge de travail de la salariée était raisonnable et permettait une bonne répartition dans le temps de son travail (contrôle trimestriel des décomptes)…. Cass. Soc 24 avril 2024 n° 22-20.539

Il résulte de ces dernières jurisprudences que le document de décompte des jours travaillés doit être contrôlé mensuellement par les deux parties et que ce contrôle devra permettre de remonter toute erreur constatée dans le décompte et tout non-respect des règles de repos afin de modifier les pratiques et pour cela être cosigné (par écrit ou en signature électronique) par le salarié et son responsable.

Il vous appartient désormais de mettre en place ce suivi et sans doute de trouver des solutions pratiques dans vos CRM.

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