Un mode de preuve illicite ne peut en principe pas être utilisé dans le cadre d’un contentieux prud’hommal.
Mais, la Cour de cassation juge depuis plusieurs mois que l’illicéité d’une preuve (enregistrement vidéo, audio illicite par exemple, géolocalisation, badgeage….) ne doit pas conduire obligatoirement les juges à écarter ce mode de preuve des débats. Cass. Soc. 8 mars. 2023, n°21-17.802, Cass. Soc., 22 mars 2023, n°21-24.729 ; Cass. Soc., 22 mars 2023, n°21-22.852
Le juge doit ainsi apprécier si l’utilisation de la preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble et doit, pour cela, mettre en balance le droit au respect à la vie personnelle et le droit à la preuve.
Pour cela le juge doit :
- s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré et vérifier s’il existe des raisons concrètes justifiant le recours à la surveillance et son ampleur;
- rechercher si on ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle;
- apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.
Ce raisonnement a pu ainsi jouer pour des employeurs ayant mis en place un système de vidéo surveillance sans en informer leur salarié et n’ayant pas d’autre moyen de preuve pour prouver la faute commise.
Il vient récemment de jouer en faveur d’un salarié souhaitant prouver la réalité d’un accident du travail. Cass. 2e civ. 6-6-2024 n° 22-11.736 FS-BR
Le salarié produisait un procès-verbal d'huissier de justice retranscrivant un enregistrement effectué sur son téléphone portable à l’insu de son employeur.
L’employeur arguait de la déloyauté du procédé et du fait qu’il y avait des salariés et un client présents lors de faits de sorte que le salarié aurait pu produire des témoignages.
Mais la Cour de Cassation note que la Cour d’Appel a estimé qu'au regard des liens de subordination unissant les premiers avec l'employeur et du lien économique de la seconde avec le gérant, la victime pouvait légitimement douter qu'elle pourrait obtenir leur témoignage et que le salarié n’avait donc aucun autre moyen de prouver la réalité des faits.
La Cour de cassation juge ainsi que la cour d’appel a recherché, comme elle le devait, si l'utilisation de l'enregistrement de propos, réalisé à l'insu de leur auteur, portait atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie privée du dirigeant de la société employeur et le droit à la preuve de la victime, et elle a pu déduire que la production de cette preuve était indispensable à l'exercice par la victime de son droit à voir reconnaître tant le caractère professionnel de l'accident résultant de cette altercation que la faute inexcusable de son employeur à l'origine de celle-ci, et que l'atteinte portée à la vie privée du dirigeant de la société employeur était strictement proportionnée au but poursuivi d'établir la réalité des violences subies par elle et contestées par l'employeur.
Il est donc plus que jamais recommandé aux employeurs d’être vigilants dans les échanges verbaux avec leurs salariés notamment en ce qui concerne les problématiques de harcèlement ou de licenciement verbal.
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